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1836 : naissance du 4° pouvoir

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Message  Imad Eddin AL-HAMADANI Lun 28 Déc - 16:10

1836. Naissance du 4ème pouvoir sous la monarchie de Juillet.

Jean Miot, le 13-11-2008, Valeurs Actuelles


Émile de Girardin est un des personnages clés de l’histoire de la presse. Avec lui, elle va se doter de vrais moyens, financiers, techniques, éditoriaux. C’est là qu’elle gagne sa liberté.

Alors que se déroulent les débats des états généraux de la presse écrite et que celle-ci tient son congrès à Lyon, du 19 au 21novembre,Jean Miot,chroniqueur à Valeurs actuelles, publie une passionnante histoire de la presse.

Il en avait toutes les compétences,pour avoir présidé le Figaro, l’Agence France Presse, le Syndicat de la presse quotidienne nationale et la Fédération nationale de la presse française. On va voir qu’il en avait aussi tous les talents à la lecture de ces extraits de son livre où il révèle son art du récit et sa passion intime pour ce métier.

Il y a des génies qui dominent leur époque, à cheval sur les régimes successifs. Émile de Girardin, pendant soixante-quinze ans (1806 – 1881), va vivre la seconde Restauration, le gouvernement de Juillet, la IIe République, le second Empire,la IIIe République,sans oublier l’insurrection de la Commune. Il était né bâtard ; cela va le marquer toute sa vie.Il est le petit-fils du marquis protecteur de Jean-Jacques Rousseau et le fils adultérin du colonel comte Alexandre de Girardin et de la belle madame Dupuy, immortalisée par Greuze sous les traits de la Jeune Fille à la colombe. Dès sa naissance, le père confie le bébé à sa cuisinière. Il veillera à son éducation mais refusera de voir son fils. Pour l’état civil ,il porte le nom d’Émile Delamothe et c’est d’autorité qu’à 22 ans il prend le nom de son géniteur .Quand la famille de son père espère acheter son silence, sa réponse est sans appel : « C’est tout ou rien. »

L’année suivante, il écrit un émouvant roman autobiographique Émile – soulignant sa filiation par cette référence à Rousseau. C’est un plaidoyer pour les “sans famille”.
Il n’a qu’une seule idée en tête : écrire dans son propre journal. Il a une devise, qu’il affichera fièrement audessus de son bureau somptueux quand il aura acquis la gloire :«Une idée par jour. » Il crée son premier journal. Il est seul, dispose de peu d’argent, ne s’entoure d’aucun collaborateur. Ses seuls outils : de la colle et des ciseaux. Il découpe les meilleurs articles dans les journaux,politiques, littéraires ou d’information générale. Il les assemble et les imprime,sans omettre de citer clairement la source pour éviter les procès.Et il appelle son journal le Voleur. Il invente avant l’heure Courrier international ! En moins de deux mois, il gagne plus de 3 000 abonnés.

Le “duel du siècle” par un beau matin d’été

L’abonnement, c’est la force d’un journal, c’est la trésorerie assurée avant la parution. Le système existe depuis longtemps, sous forme de petits bons. Il revend assez rapidement son premier enfant (qui survivra jusqu’en 1884). Il veut faire du vrai journalisme et les idées ne lui manquent pas. Il se lance en 1839 dans la presse mondaine avec la Mode ; ce titre continuera d’exister jusqu’en 1939.

Émile de Girardin a déjà le sens du “people”. Pour assurer la promotion de la Mode, il choisit pour marraine une célébrité : la duchesse de Berry. C’est aussi le moyen pour lui d’entrer dans cette aristocratie qui le rejette. Il épouse la jeune poétesse Delphine Gay, dont la mère Sophie reçoit dans son salon toutes les stars de l’époque ; cette alliance n’arrête point les attaques fielleuses contre ses origines.
Elles iront jusqu’à provoquer ce qu’on appellera le “duel du siècle”. C’est un beau matin d’été, ce 22 juillet 1836 au bois de Vincennes. Dans une allée déserte, deux hommes en redingote sont face à face, séparés par quarante pas. Deux détonations simultanées : Girardin, blessé à la cuisse, évitera de peu l’amputation ; Armand Carrel, directeur du National, profondément touché à l’aine, mourra quatre jours plus tard. Se sentant injurié dans un article faisant allusion à « ses origines douteuses », Girardin avait menacé son concurrent de publier sa biographie ainsi que celle de ses proches. Carrel avait craint qu’il ne dévoile publiquement sa liaison avec une dame mariée à un homme connu.La querelle s’était envenimée.

À la veille des Trois Glorieuses, les lecteurs de la Mode se sont enfuis, effrayés par cette nouvelle révolution. Qu’à cela ne tienne. Girardin a le flair du lecteur ; en attendant que la Mode reparaisse, il édite le Journal des connaissances utiles – c’est le Réponse à tout d’Alain Ayache avant l’heure –, puis le Musée des familles qui, pour la première fois, va atteindre le fabuleux tirage de 100 000 exemplaires. Un condensé de petites nouvelles, de romans-feuilletons.
Comment imprimer 100 000 exemplaires par nuit en 1830 ? Comme tous les grands hommes, Émile de Girardin sait s’entourer de collaborateurs de talent. Quand il éditait son Voleur, il avait repéré un mécanicien qui s’appelait Marinoni. Ce jeune ouvrier, d’origine italienne, était un fanatique de la mécanique ; c’est lui qui découvre le principe de l’impression en continu. Plus besoin de presser feuille par feuille,qu’il faut laisser sécher pour imprimer le verso. Marinoni est l’inventeur de la rotative qui va révolutionner la presse. Dix ans plus tard, il tirera 7 000 exemplaires à l’heure. La marque Marinoni existera jusqu’en 1970… Girardin aide Marinoni à s’installer ; il finance ses recherches.

Son grand regret : ne pas avoir exercé réellement le pouvoir.Certes, il fut député, réélu six fois dans la Creuse,sénateur peu de temps sous l’Empire,porté au siège de Thiers dans le IXe arrondissement de Paris. On le voit soutenir – puis combattre – Guizot, le gouvernement provisoire de 1848,la réaction, la République, faire élire Louis Napoléon, se retourner contre lui, s’exiler, revenir combattre l’empereur, s’y rallier, pour se faire à la fin de sa vie le plus ardent des républicains.Mais il ne fut jamais ministre.
Chez ce diable d’homme, il y a de l’Edgar Faure, qui rétorquait à ses détracteurs : « On dit que je suis une girouette ; mais ce n’est pas la girouette qui tourne, c’est le vent ».
Non seulement il a su prendre le vent, mais en déceler le changement.Son plus gros coup est le quotidien la Presse.Ses premiers tirages sont de l’ordre de 40 000 à 45 000 exemplaires. Avec un lancement fracassant : il casse le prix des abonnements, qui de 80 passent à 40 francs.Tollé général ! La concurrence se déchaîne, d’autant que le lancement est précédé d’une campagne extraordinaire : dans les autres journaux, par voie de tracts et d’affiches.

Mais comment faire survivre un journal en divisant par deux son prix de vente ? C’est là son coup de génie : « La publicité commerciale paiera pour le lecteur ». Il a compris que l’annonceur paiera pour être vu et qu’il acceptera de payer plus cher si le nombre de lecteurs augmente. C’est lui qui va donner au quotidien sa dimension encyclopédique, avec les rubriques quotidiennes et les pages spéciales auxquelles nous sommes habitués : judiciaires, agronomiques, littéraires, théâtrales, scientifiques, religieuses, militaires… Il fait venir les plus grandes signatures : Alexandre Dumas, pour la chronique dramatique, Théophile Gautier pour la rubrique artistique, Victor Hugo, Balzac, George Sand, qui va s’occuper des “variétés”, Lamartine, Chateaubriand. Il crée aussi le roman-feuilleton, avec Eugène Sue.
Il fait école. Pour séduire les lecteurs, les journaux rivalisent d’ingéniosité.La vente avec prime, aujourd’hui entrée dans les moeurs, est inaugurée par le Pandore,journal littéraire : il offre à ses abonnés des cravates,des pantalons ou des pendules.Remplacés de nos jours par le CD et le DVD !

À la réflexion, la presse moderne a inventé bien peu de chose qu’il n’ait déjà créé.
Il est également le premier à utiliser la “manchette”, le titre qui fait vendre.Pour la vente au numéro, les colporteurs ont été remplacés par des enfants, métier plus attirant pour eux que le bâtiment ou la mine. Ils portent un uniforme et tiennent à la main un long bâton surmonté d’une lanterne sous laquelle on peut lire les titres. On peut aussi acheter son journal dans les petits kiosques qui apparaissent dans les années 1840. « Tout le problème commercial de la presse, c’est que la feuille imprimée vaut un sou pièce à 8heures du matin,et à 8heures du soir un sou le mille au poids du papier. »
« La République n’a pas été faite pour moi ; mais j’étais fait pour elle, regrettait- il. J’appartiens à la République par mes idées. Je m’en écarte par les hommes. » Ce pouvoir, qu’il eût tant aimé exercer directement, il va s’en servir dans la coulisse. Girardin est sans doute le premier à prendre réellement conscience de la puissance de la presse. Il va utiliser ce “quatrième pouvoir”avec un sens aigu de l’opportunisme, avec un sens politique remarquable qui lui permet de devancer l’événement.
24 février 1848 : le peuple des faubourgs marche vers les Tuileries.«Entre la majorité intolérante et la minorité inconséquente, il n’y a pas de place pour moi », vient de déclarer dix jours plus tôt le député Girardin en donnant sa fracassante démission. Cette prise de position lui permet tout à la fois de conseiller à Louis-Philippe d’abdiquer, tout en l’ayant soutenu presque jusqu’au bout, et de passer à la sortie des Tuileries la tête haute devant les barricades : c’est lui, le député qui a démissionné, qui a tendu au roi l’acte d’abdication.

Mieux : c’est en journaliste qu’il recueille le dernier acte du dernier roi de France.
Avec son ami et collaborateur Victor Hugo, il orchestre la campagne électorale présidentielle qui conduira à l’élection de Louis Napoléon, premier président de la IIe République. Il espère que le pouvoir saura lui marquer sa reconnaissance et que ses entreprises de presse s’en développeront encore mieux.Naïf ! Pire, il commet l’erreur de pousser le bouchon trop loin.
Sur un papier de très grand luxe, il fait imprimer un programme de gouvernement – son programme ! – et le remet au prince président qui le classe dans la première corbeille à sa portée. Louis Napoléon vient de se fâcher avec ses deux principaux électeurs, Hugo et Girardin ! Le premier choisit un fier exil et se venge en écrivant les Châtiments. Girardin, lui, devient socialiste. Lors du coup d’État du 2 décembre 1851, il part quelque temps pour la Belgique avant de négocier son retour avec le duc de Morny. En échange d’une petite place de sénateur.Ce n’est pas l’épisode le plus glorieux de sa vie… Ayant besoin d’argent, il vend son journal la Presse. Mais lance de nouveaux titres…

Le 23 avril 1881, Girardin assiste à une représentation théâtrale au Gymnase. Il ressent soudain un malaise, les premiers symptômes d’une attaque d’hémiplégie. Dignement, il attend l’entracte. Il quitte le théâtre sans secours, discrètement,répondant avec courtoisie aux saluts qu’on lui adresse. Puis il rentre chez lui tout seul. Pour mourir.

Triste ironie du destin : trois mois plus tard, est édictée la loi du 29 juillet 1881 fondatrice de la liberté de la presse, « Défense d’afficher », qui régit encore la presse d’aujourd’hui et à laquelle il avait pris une si grande part. Son épitaphe résume sa vie : « Il est né journal. Il vécut journal. Il est mort journal. »

A lire : La Passion de la presse, de Jean Miot, 320 pages, Le Rocher, 19,90 €.
Imad Eddin AL-HAMADANI
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